Plan France Très Haut Débit : le gouvernement au service minimum sur la fibre ?

Par Yann Daoulas modifié le 24/09/2020 à 17h57

Au menu de la 4e Conférence du Plan France Très Haut Débit lundi dernier, satisfecit, encouragements… et malaise sur les ambitions du gouvernement.

Plan France THD

Le Palais de la Découverte pour illustrer l’approche retenue pour cette 4e conférence du Plan France Très Haut Débit : la découverte au grand public. Telle est la formule mise en avant par Antoine Darodes, directeur de l’Agence du Numérique, qui ne souhaite pas que l’on résume l’initiative France THD à « la victoire de la silice sur le cuivre ».

Si tous les yeux sont rivés sur le rythme de déploiement FttH des opérateurs, il s'agissait aussi de rappeler que le tuyau, quoique vecteur essentiel, ne saurait rester que le moyen de jouir d’usages qu’il faudra aider des milliers de Français à appréhender. Un enjeu crucial à plus d’un titre pour préserver – ou restaurer – les équilibres territoriaux. Mais aussi, plus prosaïquement, pour amortir les milliards d’euros d’investissement actuellement consentis dans le déploiement de la fibre optique.

RIP : 9 millions de lignes FttH financées par France THD

On a donc beaucoup insisté sur la fin, mais qu’en est-il des moyens ? Sur la fibre optique, Régis Baudouin, directeur de la Mission France THD a rappelé l’accélération encourageante des déploiements FttH sur l’ensemble du territoire : 10,2 millions de locaux fibrés à fin 2017 et un rythme de construction de 12 000 nouvelles prises par jour ouvré actuellement. Et affiché son optimiste pour la connectivité des zones rurales, grâce à l’enclenchement de nombreux projets de réseaux d’initiative publique en l’espace de deux ans.

France THD : contrats RIP fibre attribués

France THD : 9 millions de lignes fibre financées à fin 2017

Il ne reste plus qu’une poignée de ces RIP à contractualiser, avec déjà un potentiel de 9 millions de lignes FttH (sur un total de 14 à 15 millions de locaux) à construire grâce aux financements du plan France THD. Rappelons qu’à fin 2017, ces réseaux affichaient 1,2 million de prises commercialisables, sur un tiers des départements français.

On s’en doute, pour prometteuses qu’elles soient, ces perspectives ne suffiront pas à régler le cas de l’objectif THD 2022, ni même « bon débit 2020 » : 5 à 6% des locaux ne seront pas éligible à un minimum de 8 Mb/s via le réseau filaire à cette échéance, a rappelé Régis Baudouin. Ceux-là devront donc se tourner vers les solutions hertziennes, avec le concours du guichet d’inclusion numérique qui verra le jour fin 2019.

Satisfecit du gouvernement

Un ensemble de données qui ont permis aux représentants du gouvernement de réaffirmer la crédibilité du programme présidentiel : 100 % bon haut débit en 2020 et 100% THD en 2022, dont 80% en fibre, comme l’a confirmé le secrétaire d’Etat à la Cohésion des territoires, Julien Denormandie. Ce en s’appuyant notamment sur les dernières avancées en date : les propositions d’engagements contraignants d’Orange et SFR en zone AMII (sur lequel nous reviendrons) et l’accord Orange-Eutelsat permettant d’envisager un renforcement de la couverture THD satellitaire.

Ou encore, sur le mobile, l’accord historique entre l’Etat et les opérateurs qui doit permettre de généraliser la 4G. Sur ce point, Jacques Mézard a d’ailleurs annoncé la création d’une mission France mobile. « D’ici la fin 2018 la liste des zones à couvrir sera publiée de manière claire et transparente » sur la base de leurs remontées, a précisé le ministre de la Cohésion des territoires.

Le 100% fibre remis en cause ?

Pas de quoi, toutefois, dissiper un certain nombre d’appréhensions. A commencer par celle suscitée en début de semaine par Delphine Gény-Stéphann dans un entretien accordé au Monde. La secrétaire d’Etat à l’économie y affirme en effet :

 « Compte tenu du poids des investissements, choisir la fibre sur 100% du territoire et donc dans les zones les plus reculées me paraît prématuré ».

Ces propos ont fait bondir les tenants d’une ligne plus ambitieuses pour l’aménagement numérique, de l’Avicca à l’Aota, en passant par la député Laure de la Raudière.

La ligne n'a pourtant pas vraiment été démentie par Jacques Mézard lundi soir : « La question ne se pose pas en termes de technologie proposée mais de débit », a-t-il en effet souligné. Derrière un discours volontariste, le gouvernement donne ainsi l’impression d’arrêter sa réflexion à la borne, très politique, de 2022. Sans garantie, pour les collectivités dont les échéances de déploiement vont au-delà, de pouvoir compter sur des soutiens supplémentaires de l’Etat. Ce au moment précis où, faute de guichet THD, les élus locaux sont priés de s’en remettre au privé, via les Appels à manifestation d'engagements locaux (AMEL), pour accélérer leurs projets FttH.

Dans l’esprit des partisans d’une ligne 100% fibre optique, tout ces éléments ravivent le spectre du « provisoire qui dure » pour les quelques millions de foyers et entreprises les plus compliqués à raccorder. Et qui pourraient rester longtemps tributaire de débits certes améliorés grâce à la MeD, la 4G fixe, le THD Radio ou le satellite, mais en rien comparables avec une desserte en fibre optique et les possibilités qu’elle offre. Prévues pour rester transitoires ou, in fine, marginales, ces technologies sont-elles appelées à devenir pérennes sur des portions plus conséquentes du territoire ? Risqueraient alors de perdurer ces « France à plusieurs vitesses », celles-là mêmes que Mounir Mahjoubi et Julien Denormandie se disaient pourtant, lundi soir, déterminés à éviter.

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