Fibre optique, mobile : les opérateurs et l'Etat appelés à accentuer leurs efforts

Par Yann Daoulas modifié le 09/09/2020 à 16h32

Les députés Eric Bothorel et Laure de la Raudière présentaient hier un nouveau rapport sur la couverture numérique du territoire.  Au menu : mobile, fibre et entreprises.

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Eric Bothorel et Laure de la Raudière le 22 janvier devant la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale

Ils n'en sont pas à leur coup d'essai : deux ans après la publication d'un premier rapport sur la couverture numérique du territoire, Laure de la Raudière (Agir) et Eric Bothorel (LREM) remettent ça. Les deux députés se fendent d'un nouvel état des lieux de la disponibilité de l'Internet fixe et mobile en France. Et des efforts restant à accomplir pour permettre à tous les Français de bénéficier du Très Haut Débit fixe et d'un service de téléphonie mobile digne de ce nom.

Le rapport n'est pas encore publié, mais les deux parlementaires ont présenté hier sa synthèse devant la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Tout en constatant l'accélération des déploiements fixes et mobile survenue depuis leurs travaux de 2017, ces spécialistes du sujet au sein de l'Assemblée soulèvent plusieurs points de vigilance. Avec en vedette, trois préoccupations : la fibre en zone rurale, la lenteur de l'amélioration de la couverture mobile, et la trop faible concurrence sur la fibre pour les entreprises.

La fibre pour tous, oui mais quand ?

Les alertes et coups d'éclat des associations de collectivités n'y ont rien fait. Le gouvernement a refusé d'inscrire au Projet de loi de finances 2020 un coup de pouce supplémentaire pour apporter la fibre optique aux territoires encore sans financement à cette heure (2,7 millions de locaux sur 25 départements). Une intransigeance comptable mal perçue dans les territoires, et qui a interrogé jusque sur les bancs de la majorité.

Les deux co-rapporteurs, dont un représentant de ladite majorité en la personne d'Eric Bothorel, en conviennent : l'effort de l'exécutif est insuffisant. "En zone d’initiative publique, il faut engager les fonds nécessaires pour accélérer les déploiements et rassurer les élus. L’Etat doit mobiliser davantage de moyens pour aider les collectivités engagées dans le déploiement des RIP", a ainsi résumé le député des Côtes-d'Armor. Les besoins supplémentaires sont estimés à 100 millions d'euros, et Laure de la Raudière lance déjà un "appels à l'ensemble des bancs, majorité comprise" pour que ce montant tombe dans l'escarcelle THD à l'occasion du PLF 2021.

Les deux députés proposent aussi un "véritable reporting du Plan France THD" pour permettre aux parlementaires d'y voir plus clair sur la consommation ou non des crédits et leur éventuel redéploiement. Et pas seulement une fois par an à l'occasion des PLF, ajoute Eric Bothorel. Le tout permettra peut-être de "comprendre comment ce mécanisme qui n'est pas habituel va pouvoir être mis en place", interrogation formulée hier par une autre députée de la majorité en pointe sur les sujets numériques, Christine Hennion.

Plus généralement, l'exécutif est - une nouvelle fois - appelé à prendre position sur son projet à moyen terme en matière d'Internet fixe. "L'objectif de la généralisation de la fibre en 2025 doit (..) être clarifié et assumé dans son contenu", estiment les auteurs du rapport. A l'unisson, là encore, des collectivités, ou encore récemment de l'Arcep. Ardents défenseurs du 100% fibre, les deux députés avaient déjà évoquée leur hantise dans leur rapport de 2017 : que les solutions de transition ne deviennent une "réalité pérenne" pour une partie des Français privés de la fibre optique. Depuis, force est de constater que l'horizon ne s'est pas éclairci...

En attendant 2025, les co-rapporteurs se penchent aussi sur le jalon du 100% THD en 2022 et des efforts à consentir pour atteindre cet objectif. Raison pour laquelle "un bilan des territoires" sans solution THD à cet horizon leur paraît "souhaitable". Au passage, le cas des logements raccordables sur demande en zone AMII est également abordé,  Orange et SFR se voyant invités à proposer des "offres de détail pour les locaux inéligibles à la fibre pour l’instant".

Couverture mobile : encore un peu de patience

C'était l'un des grands axes de l'accord New Deal, qui vient de fêter ses deux ans : la généralisation de la 4G sur les sites mobiles existants. Sur ce point, les choses avancent, avec 5 100 sites convertis en 4G depuis lors, se félicitent les co-rapporteurs. Le bât blesse en revanche sur le dispositif de couverture ciblée, bâti en concertation avec les collectivités. Les opérateurs de téléphonie sont invités "à redoubler leurs efforts", en particulier en zone rurale, car les résultats sont jugés "insuffisants". Les députés pointent notamment le "nombre très réduit des sites en fonctionnement" - 4 exactement selon les relevés de l'Arcep. Un constat relayé à l'envi par leurs collègues de la Commission, que Laure de la Raudière et Eric Bothorel se sont malgré tout employés à rassurer.

"Ce n'était pas terrible, c'est pas formidable, mais c'est nettement mieux qu'avant", a ainsi résumé ce dernier, rappelant que de nombreux projets devraient aboutir prochainement. Près de 500 sous six mois, si l'on en croit le suivi réalisé par le régulateur. D'autre part, le délai maximal de mise en place d'un site après identification officielle est de deux ans. Raison pour laquelle peu de ces sites demandés par les collectivités sont à ce jour sortis de terre, a fait remarquer Laure de la Raudière.

Le tout n'empêche pas les deux parlementaires de suggérer des pistes d'amélioration. Par exemple impliquer davantage encore les collectivités pour identifier les sites d'implantation de nouveaux pylônes. Ou, demande de longue date dans les territoires, une "meilleure visibilité sur les déploiements des opérateurs". Les députés font également le forcing pour améliorer les cartes de couverture mobile, dont l'inexactitude hérisse leurs collègues et leurs administrés : passage du taux de fiabilité de 95 à 98%, intégration des données mesurées en crowdsourcing, indication des déploiements prévus avec date de mise en service.

Enfin, le duo de rapporteurs veut s'assurer que le déploiement à venir de la 5G ne débouche sur une nouvelle fracture territoriale. Une réforme de l'Ifer, c'est-à-dire de la taxation des stations radioélectriques, est préconisée afin de ne pas dissuader les opérateurs de déployer le réseau de 5e génération en zone rurale. Et si cette incitation n'est pas suffisante, la porte est également ouverte à la mise en place de futurs "RIP 5G"  : Laure de la Raudière et Eric Bothorel proposent ainsi de "définir dès aujourd’hui les modalités d’intervention des collectivités dans le financement de sites 5G en cas de carence de l’initiative privée".

Marché entreprises : l'année ou jamais ?

Troisième grand volet du rapport présenté hier, le marché entreprises. Une problématique trop longtemps éludée par l'Assemblée nationale, a convenu Laure de la Raudière. Les parlementaires veulent prendre à bras le corps l'atonie concurrentielle du segment, verrouillé aussi bien sur la partie offres de gros que sur le marché de détail. Ils demandent ainsi à l'Arcep de faire de "la dynamisation du marché de gros sa priorité". Ce en soutenant le modèle "wholesale only" d'un Kosc, approche "qui a fait les preuves de son efficacité". Le régulateur est aussi invité à s'intéresser de plus près à la disponibilité et au tarifs de certaines offres sur le marché de gros (notamment avec qualité de service renforcée), afin de permettre aux opérateurs de détail de rester compétitifs. Le manque de dynamisme du marché de la fibre noire longue distance est aussi souligné.

Enfin, toujours sur la partie entreprises, les problèmes de coordination entre Autorité de la concurrence et Arcep sont à nouveau pointés du doigt. Les auteurs du rapport recommandent ainsi une meilleure concertation entre les deux entités, pour éviter que ne se répète l'imbroglio Kosc. Lequel a déjà été examiné par les sénateurs, les conduisant à envisager une "proposition de loi obligeant les autorités à se coordonner dès que cela est utile au traitement du dossier".

Concertation n'est pas raison, néanmoins. Comme nous le découvrions en début de semaine, l'Autorité de la concurrence n'a ainsi pas fait grand cas de l'avis du régulateur des télécoms dans un autre dossier, celui du rachat de SFR par Altice. Régulièrement remise en question ces derniers mois, la légitimité de l'Autorité de la concurrence sur ces dossiers télécoms aux vastes implications techniques et économiques reste au centre des débats. Une défiance qui ne risque pas de se dissiper quand celle-ci affirme, dans sa réponse à une saisine de l'Association des opérateurs alternatifs (AOTA) publiée ce jour, que « l’appréciation du caractère indispensable de la fibre pour la clientèle entreprise doit être fortement relativisée au vu de ses besoins réels »... [Mise à jour du 24/01 : l'Autorité de la concurrence a relevé à l'occasion de cette dernière instruction plusieurs "points d’attention" qui la conduisent à lancer une "enquête exploratoire" sur le marché entreprises].

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