Le début de cette histoire rocambolesque se passe en 2022 dans le Maine-et-Loire. Un opérateur remonte à l'ANFR un cas de brouillage de téléphonie et d'internet mobiles sur le réseau 3G et touchant plusieurs bandes de fréquences.
Dépêchées sur place, les équipes de l'ANFR trouvent vite le coupable : une grue connectée équipée d'un boîtier avec un modem et une carte SIM. Ils ont alors l'idée d'éteindre le module de communication de la grue. Une manipulation qui s'annonce payante : les brouillages cessent immédiatement.
Des brouillages préoccupants
Mais très vite, l'ANFR s'aperçoit que cet incident est loin d'être un cas isolé... des désagréments du même type sont repérés un peu partout en France. Ce qui en fait rapidement un problème d'une ampleur nationale !
Oui, les agents de l'ANFR ont trouvé une solution plutôt efficace pour arrêter localement les brouillages, mais éteindre un à un les modems n'est clairement pas une solution viable. Pour traiter cette problématique nationale, l'ANFR va devoir se creuser la tête... et entrer en contact avec le constructeur de ces engins de chantier.
Des discussions avec le constructeur des grues
En parallèle de son enquête, l’ANFR engage les premières discussions avec le constructeur de ces engins de chantier. L’Agence soupçonne des dysfonctionnements au niveau des unités télématiques intégrées à ces machines et réclame des éclaircissements : combien de modems sont potentiellement en cause ? Quelle est l’origine des perturbations constatées ? Et surtout, comment y remédier ?
Rapidement, l’enquête met en cause un boîtier de connexion à distance installé non seulement sur des grues, mais aussi sur d’autres engins de chantier comme des pelles hydrauliques à câble ou des machines de terrassement. Ce module télématique, conçu pour la gestion de flottes, transmet des données essentielles : géolocalisation, temps d’utilisation, consommation de carburant ou encore informations liées à la maintenance.
Lors des premiers échanges avec l’ANFR, le constructeur s’est montré dubitatif. Ses machines étant commercialisées à l’échelle mondiale, il ne comprenait pas pourquoi ce type de problème ne survenait pas ailleurs ou du moins n’était pas remonté. Pour en avoir le cœur net, il a lancé une enquête interne, en collaboration avec sa maison mère et ses sous-traitants, allant jusqu’à prélever plusieurs modems afin de les faire analyser.
Au total, l'ANFR recense plus d'une vingtaine d'interventions sur les engins de chantier de la même marque. Problème : des milliers de machines sont déployées dans toute la France, un problème d'une trop grande ampleur. Assez rigolé, l'ANFR demande ainsi au constructeur de trouver une solution pérenne et lui rappelle par la même occasion que ces brouillages sont illégaux et qu'ils sont passibles de sanctions.
2024 : une mise à jour salvatrice
A l'approche des JO de Paris, l'ANFR ne peut se permettre ce genre de problèmes. Un calendrier de mise à jour des modems déployés en France, y compris en outre-mer, est alors établi par le constructeur. Objectif : remettre en conformité au moins 90 % des machines concernées d’ici le troisième trimestre 2024.
Désormais, toutes les machines neuves issues des chaînes de production sont équipées de la version corrigée du logiciel. Mais le constructeur ne s’est pas limité au marché français : dès 2024, il a entrepris la mise à jour de son parc à l’échelle mondiale, en commençant par l’Europe. Preuve que les brouillages constatés en France pouvaient tout à fait survenir ailleurs. Cette fois, l’intervention de l’ANFR aura donc eu une portée bien plus large que ses seules frontières !
Tiffany Gaspard
Ancienne responsable éditoriale DegroupTest