Fibre optique : le guichet France THD rouvre timidement ses portes

Par Yann Daoulas modifié le 09/09/2020 à 14h42

Lors de son point d'étape sur la couverture numérique, le gouvernement a annoncé hier une réouverture du guichet de subventions aux réseaux d'initiative publique. Un nouvel effort de 140 millions d'euros qui reste insuffisant aux yeux des collectivités.

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On attendait forcément un satisfecit sur l'accélération de la couverture Internet en fibre et la généralisation en cours de la 4G. Mais le gouvernement a également annoncé hier ce que les acteurs du THD n'attendaient plus : de nouveaux financements pour les réseaux publics de fibre optique.

Réclamée en vain depuis deux ans par les collectivités et les industriels de la fibre, cette réouverture du guichet de subventions aux RIP (réseaux d'initiative publique) se fera néanmoins au compte-gouttes. Seulement 140 millions d'euros y seront affectés en 2020, ont en effet précisé Julien Denormandie (Cohésion des Territoires) et Agnès Pannier-Runacher (Economie et Finances) à l'occasion d'un point d'étape sur la couverture numérique. Une somme issue des économies réalisées sur les programmes précédemment lancés, à la faveur d'économies d'échelle sur les travaux de déploiement mais aussi de l'appétit croissant des investisseurs privés pour ces projets très rémunérateurs.

"Double peine" pour les territoires

Ces 140 millions restent toutefois bien loin des besoins estimés pour compléter, ou presque, le déploiement en fibre optique sur quelque 25 départements à horizon 2025. Parmi ceux qui n'y trouvent pas leur compte, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies. L'enveloppe annoncée par le gouvernement n'est pas "à la hauteur de l'enjeu", réagit ainsi Jean-Luc Sallabery, en charge du département numérique de la FNCCR. Laquelle réclamait il y a quelques jours seulement un abondement du guichet à hauteur d'un milliard d'euros.

De quoi couvrir environ 20% du montant nécessaire aux 3 millions de lignes de fibre optique restant à déployer. Relativement peu au regard des 36 millions de locaux français, mais "ce sont les plus compliquées, avec un coût prévisionnel est de 1 500 - 1 600 euros à la prise. Soit un coût total de 4,5 à 5 milliards d'euros", calcule-t-il. Jean-Luc Sallabery se désole ainsi de la "double peine" infligée aux territoires : des déploiements sur fonds privés en AMEL dont il doute qu'ils soient réellement achevés, et des financements réduits à la portion congrue pour les collectivités ayant choisi de conserver le modèle RIP.

Mobilisation parlementaire ?

L'arithmétique gouvernementale suscite d'autant plus d'interrogations qu'elle ne cadre pas avec la dynamique des projets en cours. A la FNCCR comme à l'Avicca, l'association des collectivités pour le numérique, on souligne ainsi que ces 140 millions ne couvrent pas les besoins de vastes initiatives prêtes à partir. C'est le cas notamment du RIP breton Mégalis, appelé à absorber 200 millions d'euros d'aides publiques. En englobant les projets portés par l'ancienne région Auvergne et l'Aude, ce sont même 300 millions d'euros que l'Etat devrait mettre immédiatement sur la table, calcule Ariel Turpin, délégué général de l'Avicca. Sur un total estimé ici à 600 millions d'euros.

Ainsi, si l'association n'hésite pas à crier "victoire" suite à l'annonce gouvernementale, c'est en réalité pour mieux pointer les efforts qui devront immédiatement être consentis. "Les parlementaires devront impérativement se mobiliser dans le cadre du projet de loi de finances pour permettre à l’ensemble des premières demandes, prêtes à être déposées, d’être accompagnées", souligne-t-elle. Coût estimé de ladite mobilisation : 322 millions d'euros supplémentaires.

Une enveloppe additionnelle que les députés auront à cœur de débloquer à l'occasion du débat budgétaire en cours, veut croire l'Avicca. Sous peine, prévient Ariel Turpin, d'assister à une "foire d'empoigne" entre des territoires qui, pour lancer leurs projets, n'auront pas le loisir d'attendre d'hypothétiques économies. Celles que le gouvernement compte réaliser au fur et à mesure en recyclant les crédits non utilisés, afin de rassembler les 4 à 500 millions qu'il estime nécessaires. Cette mécanique, esquissée hier, doit permettre à l'Etat de rester dans l'enveloppe de 3,3 milliards initialement dévolue au guichet France THD. Un budget que l'association des collectivités pour le numérique continue de juger sous-évalué pour apporter la fibre optique sur l'ensemble du territoire.

"Pas un problème d'argent"

Pour InfraNum, en revanche, ça passe. "J'abonde au discours gouvernemental, réagit ainsi Etienne Dugas, le président de la Fédération des industriels du Très Haut Débit.  Il y a des économies qui sont faites dans les déploiements, et l'enveloppe des 3,3 milliards devrait effectivement suffire pour assurer la totalité des demandes collectivités territoriales".

La relative modestie des 140 millions d'euros promis dans un premier temps ne l'émeut pas outre-mesure. "Ce n'est pas un problème d'argent. Pour les prises qui restent, il suffit de les lancer en concession et la demande de subventions sera quasi nulle", tranche ainsi Etienne Dugas. Exception faite, convient-il, du cas "un peu compliqué de la Bretagne" et des 200 millions d'euros dont elle a besoin pour un marché non pas concessif, mais en affermage. Un mur de financement supérieur à lui seul au marchepied gouvernemental, mais qui, selon lui, peut être surmonté en "échelonnant dans le temps" les engagements de l'Etat.

"Ce qui était important, c'était de rouvrir le guichet pour pouvoir instruire les dossiers", conclut le patron d'InfraNum. Par ailleurs satisfait d'une autre annonce de l'exécutif, celle de la signature du contrat stratégique de filière infrastructures du numérique "d'ici à la fin de l'année".

 

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