Fibre en zone rurale : il y aura une vie après l'AMEL

Par Yann Daoulas modifié le 10/09/2020 à 12h10

Avicca et Agence du Numérique ont dressé hier le bilan des procédures AMEL, dans un climat apaisé par la perspective d'un nouveau guichet d'aides aux réseaux d'initiative publique.

Fibre zone rurale AMEL

Avicca Agence du Numérique AmelL’Avicca réunissait son conseil d’administration mardi matin, et recevait dans la foulée l’Agence du Numérique pour faire le point sur les différents volets du plan France THD. L’occasion, notamment, de rouvrir le dossier AMEL, qui a encore une fois donné lieu à quelques « échanges turbulents », confiait à l’issue de la matinée Patrick Chaize, sénateur de l’Ain et président de l’Avicca. Alors que le chapitre AMEL touche à sa fin, les deux parties se sont appliquées à gommer les tensions de derniers mois.

Un peu plus d'un million de lignes

Déposé dans la boîte à outils des collectivités lors de la Conférence des territoires l’hiver dernier, l’AMEL (Appel à manifestation d’engagements locaux) devait leur permettre de sonder les intentions d’investissement des opérateurs privés sur tout ou – le plus souvent – partie de leur zone d’initiative publique. Objectif : accélérer le déploiement FttH sur les zones rurales promises à une desserte tardive, à horizon 10 ou 15 ans, en permettant à ces entreprises d'intervenir sans engager d'argent public.

Antoine Darodes, Directeur de l'Agence du NumériqueL’affaire devait être bouclée en juillet : processus de consultation des opérateurs, puis, après examen par l’Arcep, validation par le gouvernement de leurs engagements de déploiement, contraignants au titre de l’article L33-13. Cela n’a pas été aussi vite que prévu, a admis hier Antoine Darodes (ci-contre). Avec plusieurs mois de retard sur le calendrier initial, les derniers dossiers AMEL devraient ainsi être bouclés d’ici à fin octobre-début novembre, promet désormais le directeur de l’Agence du Numérique, qui regroupe notamment les missions France THD et France Mobile.

Ce calendrier permettrait aux dossiers de recevoir le blanc-seing de l’Arcep avant la fin d’année. Et confier au total « un peu plus d’un million de prises » aux opérateurs privés, à l’issue d’une « petite trentaine de consultations » : 10 ont ou vont aboutir, 10 ont été abandonnées, et 10 restent incertaines à ce jour.

Le guichet RIP bel et bien fermé... pour mieux revenir

La période de flottement touche donc à sa fin, assure Antoine Darodes, confessant que la procédure AMEL n’était « peut-être pas suffisamment claire sur les modalités ». Et a pu susciter l’« incompréhension » des collectivités du fait de sa concomitance avec la fermeture du guichet France THD, où les porteurs de projets de l’après-2022 espéraient puiser leurs financements.

« Fermeture », et non plus suspension : un vocable que le directeur de l’Agence dit finalement assumer, car les projets restant à financer pour l’après-2022 nécessiteront rien moins qu’un « nouveau guichet RIP ». Avec un « cahier des charges adapté » aux spécificités des territoires concernés, souvent moins riches et plus compliqués à équiper. Environ 3 millions de locaux resteront à y raccorder, selon les calculs de l’Agence, une fois déduites les lignes construites en AMEL et celles qui viendront s’ajouter dans les cadre des dernières DSP pas encore attribuées.

En défense des AMEL

Presqu’un an de procédure pour économiser sur le financement d’un million de lignes : le jeu en valait-il la chandelle ? Surtout, aiguillonne Patrick Chaize, au moment où la participation publique atteint des prix plancher dans le cadre des dernières DSP ? Pour Antoine Darodes, le bilan est malgré tout positif. Car, fait-il valoir, au-delà de ce volume inférieur aux attentes (jusqu'à 3 millions initialement), l’AMEL a permis d’enrichir le dialogue entre collectivités et opérateurs, avec pour résultats des contrats renégociés, des appels d’offre améliorés et des enseignements précieux pour les exécutifs locaux qui préparent les phases suivantes de leur RIP.

Pas même de ralentissement à déplorer, poursuit le directeur de l’Agence du Numérique, car les économies réalisées par certaines collectivités ont permis de « redéployer les subventions vers des territoires qui voulaient accélérer ». L’intéressé, qui quittera ses fonctions à la fin du mois, en convient toutefois : le nouveau guichet RIP devra rapidement prendre le relais : « Si au début de l’année prochaine, il n’y a pas de visibilité suffisante pour les collectivités sur les modalités de soutien, cela pourrait entraîner des retards et des petites baisses de régime, alors que l’on a besoin de maintenir un trend particulièrement élevé ». Et, déjà, d'anticiper sur 2022-2023.

Pour ce futur dispositif, il y a des pistes mais pas de proposition précise à ce stade en termes budgétaires, poursuit-il. Reste en en effet à déterminer le coût du reste à faire, mais aussi « l’argent qui peut nous rester dans le cadre du guichet suite à quelques bonnes nouvelles sur les dernières DSP ».

L'Avicca « pas en guerre contre les AMEL »

On s’achemine donc vers un « déverrouillage » des aides publiques aux projets de RIP, réclamé depuis des mois par les collectivités. Il aura fallu pour cela attendre près d'un an et la clôture d’une séquence AMEL, qui, pour fructueuse que l’Agence du numérique aime à la présenter, n’en aura pas moins apporté son lot d’interrogations.

L’Avicca n’a « jamais été en guerre contre les AMEL », a insisté Patrick Chaize, convenant qu’elles ont permis à certains territoires de trouver chaussure à leur pied. Au sein même du conseil d’administration de l’association, on trouve ainsi Pierre Camani, qui nous expliquait récemment pourquoi il avait « sauté sur l’occasion » afin de gagner trois ans sur le déploiement du FttH dans son département du Lot-et-Garonne.

« Pas dogmatique » sur le recours au privé en zone RIP, donc, le président de l’Avicca explique toutefois avoir craint de voir les collectivités enfermées « dans des options qui n’en étaient plus » en l’absence de toute visibilité sur la réouverture du guichet RIP. Tout en soulignant au passage les « risques juridiques » que ce « dispositif pas forcément blindé » présente pour les collectivités. Rappelons que certaines d’entre elles, pour aller plus vite, s’en sont tenues à des consultations informelles avec les opérateurs, s’exposant ainsi à de possibles recours de leurs concurrents. Enfin, on pourrait également évoquer les tensions politiques suscitées, au niveau local, par l’opportunité ou non de recourir aux AMEL, illustrées encore récemment par quelques échanges d’amabilités en Haute-Vienne.

Au niveau national, l’incident semble clos, mais il aura duré un an, voire un an et demi, le dispositif ayant vu le jour sur les cendres du plan « Fibrer la France » de SFR. En rebondissant sur le projet mort-né de l’opérateur au carré rouge, le gouvernement a certes réalisé quelques économies, mais il a aussi, rétrospectivement, contribué à entretenir l’instabilité survenue à l’été 2017. Au risque, dans un climat déjà tendu sur d’autres dossiers, de saper un peu plus la confiance entre l’exécutif et les élus locaux. Attendu de pied ferme, le guichet RIP « V» saura-t-il restaurer l’harmonie ?

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